De France Travail à la Paris Games Week, la propagande militariste est en marche

Retour sur le rassemblement du jeudi 23 octobre contre le forum de l’Armée de Terre organisé par France Travail

Ce jeudi 23 octobre se tenait un forum de l’Armée de Terre organisé par France Travail dans la mairie du 15e arrondissement de Paris. Ce forum se voulait un lieu de rencontre entre des chômeureuses inscrites à France Travail et des cadres de l’Armée de Terre, dans le but de recruter. Plusieurs organisations (Lignes de Crêtes1, Mouvement des mères isolées2 et CGT Chômeurs Rebelles) avaient donc appelé à un rassemblement devant la mairie le même jour. L’objectif était de mettre en lumière ce genre d’évènement faisant la propagande de l’armée et qui, pourtant, passe souvent inaperçu. Une trentaine de personnes se sont réunies dehors face à la mairie, et plusieurs ont témoigné. L’une, inscrite à France Travail depuis tout juste 6 semaines, avait déjà reçu trois mails de promotion de l’armée, la police et la gendarmerie, toujours à mi-chemin entre l’invitation et la convocation à des évènements de propagande. Une autre, conseillère chez France Travail, expliquait comment le gouvernement contournait le fonctionnement habituel de France Travail pour organiser le recrutement des chômeureuses dans l’armée : les conseilleres de France Travail n’ont pas connaissance de toutes les offres d’emploi militaires qui sont communiquées par mail aux demandeureuses d’emploi, ni des évènements auxquels iels sont incité’es à venir. Enfin, une personne du Mouvement des mères isolées soulignait le ciblage spécifique d’un public jeune et précaire – les 18-30 ans étant la catégorie visée par ces offres d’emploi – et dénonçait la pratique de l’Etat d’offrir à ces personnes l’armée comme seule échappatoire à la précarité. 

 

Cet évènement n’est pas un cas isolé, ni une anomalie, encore moins un dysfonctionnement de France Travail. Le réarmement est dans tous les discours, et l‘été 2025 a notamment été marqué par les discours de Macron le 13 juillet et de Bayrou sur le budget deux jours plus tard. Ce dernier prévoyait entre autres une hausse des financements militaires encore plus rapide que prévue par la dernière loi de programmation militaire (LPM), paradoxalement justifiée par un catastrophisme sur la dette française, qui aurait atteint un niveau alarmant. Plus généralement, ces deux discours annonçaient un réarmement urgent de la France, en particulier à travers l’augmentation du budget dédié à l’armée, et mettaient l’accent sur la mobilisation nécessaire de la jeunesse.

 

Du projet Chat Control3 à la réindustrialisation pensée autour de l’armement, en passant par les discours alarmants des chefs d’État-Major4, la préparation des hôpitaux à un rythme de guerre, et la présentation de kits de survie5, les procédés de ce réarmement et de cette militarisation sont nombreux.
Parmi les outils de (re)militarisation, nombre d’entre d’entre eux ne sont en réalité pas nouveaux. Dans le cadre de la loi « Plein emploi » promulguée en décembre 2023, et accentuant la surveillance des chômeureuses, les évènements comme le forum de ce jeudi 23 octobre se multiplient. Il s’agit ici de matraquer des populations précaires de contenu militaire en vue de les pousser vers l’armée. Dans ce genre d’évènements, l’armée est vendue comme un milieu professionnel comme les autres, voire carrément rendue sexy. C’est surtout une voie d’embauche facile, ce qui est un argument de poids face à la pauvreté qui explose, tout comme le chômage des jeunes. Bien entendu, ces augmentations sont causées par des offensives permanentes du capitalisme néolibéral sur un siècle de conquêtes sociales, par exemple à travers la destruction progressive du RSA. L’État profite alors de cette vulnérabilité qu’il a créée de toutes pièces pour pousser des populations précarisées vers l’armée ou la police. Ce faisant, il alimente la chair à canon de ses guerres capitalistes, donne du crédit à ses discours belliqueux, et étend sa capacité répressive.

 

Mais l’existence de forums de propagande de l’armée montre bien que la précarisation ne suffit pas à se tourner vers l’armée. Le consentement à la militarisation est fabriqué industriellement, à travers une propagande qui occupe de nombreux espaces.
La jeunesse est particulièrement ciblée par l’Etat qui déploie un arsenal de propagande à travers des campagnes de recrutement, à l’école ou sur les réseaux sociaux en noyant les enfants et les adolescent’es sous les images d’une armée attractive. Cette propagande commence dès l’école avec les « Classes de Défense ».6 Ce dispositif vise à renforcer les liens entre l’armée et la jeunesse, au collège et au lycée, en créant un parrainage entre une unité de l’armée ou de la police et une classe d’élèves. Ce partenariat, sous couvert « d’égalité des chances », permet de multiplier les rencontres avec des militaires et des policiers, dant le but de familiariser les adolescentes avec ces métiers, et les pousser à s’engager plus tard. Il existe aujourd’hui plus de 500 classes de ce type en France et ce chiffre est en croissance constante.

 

Renforcer le contact des jeunes avec l’armée passe aussi par la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Cette journée obligatoire mise en place en 1997 est héritière du service militaire. Elle a pour objectif de rencenser et d’aborder les sujets de la citoyenneté et de la défense, mais aussi la promotion des forces armées auprès des jeunes. Depuis septembre 2025 et la réforme de la JDC7, des ateliers « participatifs », comme l’utilisation de laser game et d’ateliers utilisant la réalité virtuelle, prennent désormais place dans le but de rendre l’armée plus moderne et attractive aux yeux des jeunes, ainsi que de donner une forme ludique à la propagande militaire, la rendant plus difficilement identifiable comme telle par le public.

 

Le Service National Universel (SNU), quant à lui, permet d’inculquer un esprit d’obéissance aux règles. Sous la tutelle du ministère de l’Éducation Nationale, il révèle la façon dont toutes les structures de l’État participent de cette militarisation. Promu par le gouvernement comme un stage visant à créer de la cohésion autour des valeurs républicaines et de l’engagement, il s’agit essentiellement d’un outil de mise au pas de la jeunesse et d’endoctrinement par le respect absolu des normes et la stimulation des affects nationalistes.
Autre signal du ciblage spécifique des jeunes, la gendarmerie est présente depuis 4 ans à la Paris Games Week8, l’occasion pour celle-ci de « venir au contact du monde des gamers« , une présence à la fois inattendue et tout à fait compréhensible.
Enfin, cet endoctrinement passe par une politique de communication offensive (pour ne pas dire propagande, on l’a assez dit comme ça) sur les réseaux sociaux. Les influenceureuses qui font des partenariat pour l’armée, la police ou le SNU se comptent par dizaines, mais l’armée dispose également de ses propres influenceureuses : des soldates présentant l’armée et leur quotidien et donnant des conseils pour s’engager.9 Une autre expression de cette communication est l’utilisation des codes culturels de la jeunesse, en publiant des reels instagram10 et des tiktoks11 avec une imagerie de propagande avec comme fond sonore les musiques « du moment » comme Charger de Triangle des bermudes.

 

Le faible nombre de gens présent’es au rassemblement de ce jeudi 23 octobre révèle la discrétion de ce genre d’évènements. Pourtant, les événements faisant la promotion de l’armée sont amenés à se multiplier : commémorations nationales (par exemple avec le 11 novembre), forums organisés par l’Armée, forums SNU, interventions de professionnels de l’armée dans les établissements scolaires… Il est possible de s’informer de leur tenue. Si la mobilisation du jeudi 23 octobre n’a pas empêché le maintien du forum contre lequel nous nous étions rassemblées, d‘autres mobilisations ont su, par le passé, enrayer la machine de propagande militaire. Des lycéen’nes s’étaient notamment mobilisé’es pour perturber des stands de promotion du SNU l’an dernier.  L’année dernière également, à Saint-Etienne, des militantes s’étaient rassemblées pour bousculer la commémoration militaire du 11 novembre. A Toulouse, le Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées avait été repeint : on pouvait lire sur la porte d’entrée « Plutôt chômeuse que militaire » … Toustes nous ont montré qu’il est possible d’entraver la propagande militariste de l’État.
Puisque la miltarisation gagne du terrain et s’attaque tous les jours à de nouveaux espaces, partout où l’Etat et l’armée viennent faire leur propagande, soyons présentes pour les en empêcher. Le consentement à la militarisation d’aujourd’hui est le consentement à la guerre de demain et à celles qui se déroulent actuellement sous nos yeux en Palestine, au Soudan, en RDC, en Ukraine, … Alors, il y a urgence à se mobiliser contre la propagande militariste.
  1. https://www.instagram.com/lignes_de_cretes/[]
  2. https://www.instagram.com/mouvement_des_meres_isolees/[]
  3. https://www.lunil.com/qu-est-ce-que-chat-control-mouchard-surveillance-masse-deguisee-en-protection-de-enfance/[]
  4. https://www.instagram.com/p/DQJcyF-DcHv/[]
  5. https://www.instagram.com/p/DN6WIH4jQ6w/[]
  6. https://www.defense.gouv.fr/sga/au-service-nation-du-public/jeunesse/vous-avez-entre-13-18-ans/classes-defense[]
  7. https://www.defense.gouv.fr/actualites/infographie-journee-defense-citoyennete-nouvelle-generation[]
  8. https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/actualites/2025/du-virtuel-a-la-realite-l-experience-immersive-de-la-gendarmerie-a-la-paris-games-week[]
  9. https://www.leparisien.fr/societe/des-influenceurs-en-treillis-la-nouvelle-strategie-de-larmee-pour-attirer-les-jeunes-via-les-reseaux-sociaux-13-07-2025-73M7M736E5G2FCKM7L2NQSDMSY.php[]
  10. https://www.instagram.com/reel/DNX-o8DlfLw/[]
  11. https://www.tiktok.com/@armee_air_espace/video/7533603989594672406[]
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Appel à rejoindre l’Assemblée Internationaliste Antimilitariste – Paris Banlieues, mardi 11 février à 19h au CICP

Appel à rejoindre l’assemblée internationaliste et antiautoritaire pour construire un antimilitarisme depuis Paris et sa banlieue.

Rendez-vous mensuel, tous les deuxièmes mardi du mois.

RDV  MARDI 11 FÉVRIER 2025 à 19h00 au CICP, (21ter rue Voltaire, Paris 11)

(English translation available further down)

 

Voir les vidéos des massacres à Gaza et au Levant qui défilent incessamment sous nos yeux depuis plus d’un an a fait naitre en nous un vif sentiment d’injustice exacerbé par l’impuissance. Exiger le cessez-le-feu ne suffira pas à libérer le peuple palestinien car la
libération des peuples colonisés par les Etats impérialistes ne se fera jamais par des mots d’ordres pacifistes. Nous voulons aller plus loin et questionner l’expansion actuelle du complexe militaro-industriel, ainsi que de la propagande nationaliste et de l’obsession sécuritaire qui l’accompagnent, partout dans le monde et surtout en France.

Qui fabrique les bombes qui tombent sur les maisons, les matraques et grenades qui s’abattent sur nos gueules, les caméras qui surveillent les villes et les frontières, qui balancent aux keufs et qui livrent aux juges et à leurs taules ? Quand on se penche sur la question, on prend rapidement conscience de toute la chaîne d’interdépendance qui relie l’entreprise qui fabrique et commercialise les drones testés sans mesure à Khan Younes ou Khartoum à celles qui surveillent les frontières militarisées de l’Union Européenne. Les entreprises qui fabriquent les optiques et micro-composants nécessaires à faire fonctionner ces technologies là-bas sont les mêmes qui traquent «l’ennemi intérieur», le fraudeur de métro, le chourseur de supermarchés, le «sans-papiers» en France. En tirant sur le fil, on fait tomber le rideau qui cache l’immense forteresse de l’industrie militaro-sécuritaire où tous les porcs impérialistes s’échangent, vendent et se partagent leurs nouveaux joujous pour toujours mieux mater et contrôler les populations. Tout ce business sécuritaire et mortifère se développe derrière les vitres des bureaux modernes, des usines dans les périphéries des villes, des chambres de commerce et d’industrie, dans les centres de recherche universitaire : la guerre se fabrique au coin de nos rues.

De la Palestine à la Kanaky, du Sahara occidental aux montagnes kurdes, du Yémen au Soudan, les lieux où il y a de la résistance servent de laboratoire pour faire émerger de nouvelles technologies et pratiques contre-insurrectionnelles. Ces mêmes technologies reviennent ensuite dans nos pays «pacifiés» sous une application civile, et militarisent toujours plus notre environnement.

Nous voulons porter un antimilitarisme décolonial et anticapitaliste. Celui-ci ne doit pas être un pacifisme moral, mais doit bien s’incarner sous une forme offensive qui se place à la hauteur de l’engagement déployé par les révolutionnaires. Celleux-ci luttent par la voie des armes bricolées et récupérées à l’ennemi, par la désertion et les réseaux de résistance (transferts de médicaments, distributions alimentaires, propagandes actives contre la guerre et l’union nationale…) et leur résistance doit être soutenue.

Pour autant, notre antimilitarisme n’a de sens que s’il s’inscrit également dans la lutte contre les meurtres policiers dans nos quartiers, contre la surveillance de masse, contre les morts aux frontières et dans les prisons. Nous espérons ainsi concrétiser cet antimilitarisme par un travail de recherche et d’information sur ces dispositifs meurtriers.

Ce texte est donc une invitation à se réunir autour d’une assemblée antimilitariste et internationaliste, publique et rejoignable par toustes. Ce cadre propose de faire des questions antimilitaristes quelque chose d’accessible qui ne soit pas réservé à quelques expert-es, de visibiliser les informations sur l’organisation du complexe militaro-industriel, et de lutter frontalement contre cette industrie tentaculaire et carnaciaire. Rencontrons-nous autour de projections, mobilisations, cantines, concerts et teufs, que nous organiserons en assemblée.

On propose donc de se retrouver le mardi 11 février à 19h au CICP (21ter rue Voltaire, Paris 11) pour cette première assemblée internationaliste antimilitariste!

« Une volonté de lutte résolue ne connaît pas de ‘trop tard’ » (Karl Liebknecht, antimilitariste allemand ayant refusé de voter les crédits lors de la guerre de 14-18)

 

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Call to join the internationalist and anti-authoritarian assembly to build an antimilitarism from Paris and its suburbs.

Monthly meeting, every second Tuesday of the month.

Let’s meet this Tuesday, February 11th, 2025, 7pm at CICP (21 ter rue Voltaire, Paris 11)

Watching the videos of the massacres in Gaza and the Levant passing by incessantly before our eyes for over a year has given birth to a strong feeling of injustice exacerbated by powerlessness. Demanding ceasefire will not be enough to liberate the Palestinian people, because the liberation of peoples colonised by imperialist states will never be achieved by pacifist slogans. We want to go further and question the current expansion of the military-industrial complex, as well as nationalist propaganda and security obsession all over the world and especially in France.

Who makes the bombs that fall on houses, the batons and grenades that rain down on our mugs, the cameras that monitor the cities and the borders, who snitch to the cops and deliver to the judges and to their prisons? When we look into the matter, we quickly become aware of the entire chain interdependence that connects the company that manufactures and commercializes the drones tested without measurement in Khan Younes or Khartoum, to those who monitor the borders militarized by the European Union. The companies that manufacture the necessary optics and micro-components to make these technologies work are those who hunt down « the internal enemy », the metro fare dodger, supermarket shoplifter, the « undocumented » in France. By pulling on the thread, we bring down the curtain. which hides the immense fortress of the military-industrial safe where all the imperialist pigs exchange, sell and share their new toys foralways better to subdue and control the populations. All this safe and deadly business is developing behind the windows of modern offices, factories in the peripheries of cities, chambers of commerce and of industry, in university research centers: War is being manufactured on the corners of our streets.

From Palestine to Kanaky, from Western Sahara to the Kurdish mountains, from Yemen to Sudan, the places where there is resistance serve as a laboratory to bring forth new technologies and counterinsurgency practices. Then, under civilian uses, these same technologies return to our « pacified » nations, increasingly militarizing our surroundings.

We want to promote a decolonial and anti-capitalist anti-militarism. This should not be a moral pacifism, but it must be embodied in an offensive form that matches the level of commitment deployed by the revolutionaries. They fight through the path of makeshift weapons and those seized from the enemy, through desertion and resistance networks (drug transfers, distributions food, active propaganda against the war and national unity…) and their resistance must be supported.

However, our antimilitarism only makes sense if it is also part of the fight against police killings in our neighborhoods, against mass surveillance, against deaths at borders and in prisons. We hope to give concret expression to this anti-militarism through research and information work on these deadly devices.

This text is therefore an invitation to gather around an antimilitarist and internationalist assembly, public and accessible to everyone. This framework proposes to make antimilitarist issues something accessible that is not reserved for a few experts, to make information about the organization of the military-industrial complex visible, and to fight frontally against this tentacular and carnivorous industry. Let’s meet around screenings, mobilizations, communal meals, concerts, and parties, which we will organize in assembly.

We therefore propose to meet on Tuesday, February 11 at 7 PM at CICP (21ter rue Voltaire, Paris 11), for this first internationalist antimilitarist assembly!

« A resolute will to fight knows no ‘too late' » Karl Liebknecht, German antimilitarist who refused to vote for war credits in 1914-1918.

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